olivier godechot

En marge de l'affaire CumEx...

Il y a 20 ans... souvenirs ethnographiques de l’arbitrage (industriel) des dividendes à la « Compagnie Universelle »

NB: A l’époque (1998), l’arbitrage de dividende portait essentiellement sur l’avoir fiscal en faveur des détenteurs d’actions françaises. Cet avoir fiscal a été supprimé en 2005.

 

Extraits de Olivier Godechot, 2001, Les Traders, La Découverte.

 


 

Aperçu sur le desk du prêt-emprunt

L’activité

 Activite_Desk

 

À la Compagnie universelle, l’activité de prêt-emprunt a été développée d’abord pour gérer les « shorts » (les découverts sur certains titres) de la salle de dérivés actions. Les traders options ont l’obligation de passer par la table de prêt-emprunt pour emprunter leurs titres manquants, et les traders prêt-emprunt ont l’obligation de chercher les titres demandés. Ainsi, chaque jour, une dizaine de traders passent à la table prêt-emprunt et demandent un prix ou donnent une liste de « shorts » à couvrir. Entre la table de prêt-emprunt et les tables de trading, ont donc été instituées des relations commerciales forcées à un prix conventionnel, celui du marché.

Outre quelques spéculations et des arbitrages autonomes qui ne servent pas directement la salle, le prêt-emprunt consacre une grande partie de son activité à l’optimisation fiscale. L’État français – comme de nombreux États – pour éviter la double imposition des bénéfices, accorde un avoir fiscal (une déduction d’impôts) aux propriétaires français d’actions, qu’ils soient permanents ou provisoires. Les sociétés étrangères ne payant pas d’impôts en France ne peuvent bénéficier de cet avoir fiscal, elles ont donc intérêt à prêter ces titres juste le temps du détachement de dividendes à des banques françaises, qui en échange rétrocèdent le dividende et une partie de l’avoir fiscal gagné. Lorsque la période du détachement de dividendes approche, Damien démarche ainsi les institutions financières étrangères, leur emprunte des titres, titres que Lilian place le temps du détachement dans les SICAV de la CU, contribuant ainsi à une réduction d’impôts de cette filiale que celle-ci reverse en partie au desk prêt-emprunt. »

(p. 94)

(...)

Pour ma part, j’ai dû en tant que stagiaire développer un grand nombre de macros pour Lilian et Damien afin de faciliter l’optimisation fiscale : j’ai dû programmer ainsi un fichier qui rassemble automatiquement l’ensemble des informations sur les titres possédés dans les divers portefeuilles et calculer en fonction du dividende et des ratios prudentiels des SICAV (aucune valeur ne doit dépasser 10 % du montant du portefeuille, pas plus de quatre valeurs au-dessus de 5 %), les valeurs pour lesquelles il y a le plus d’avoir fiscal à récupérer. Avec ce fichier, le trader Damien n’a plus à se poser le problème de calcul et de recalcul des valeurs optimales, mais il n’a plus qu’à essayer de trouver sur le marché du prêt-emprunt la valeur indiquée à l’écran. »

p. 126

 


 

PS : Je me souviens aussi que l’industrialisation de l’arbitrage de dividende n’était pas sans susciter quelques réserves de la part de l’Asset Management qui se trouvait de fait dépossédé d’une partie de la maîtrise des titres composant ses fonds. Dans mon journal de terrain, j’écrivais ainsi : « Déjà, CUAM (Compagnie Universelle Asset Management) est mécontent du caractère industrialisé que prennent leurs transactions. Hier, Jean-Marc furieux était obligé d’aller les voir parce qu’un des membres CUAM qui s’occupe de fonds voulaient se mettre en vacance pendant une semaine sans que personne ne prenne en charge son travail quotidien. La sortie massive de fonds pour les opérations de Damien risque de faire monter la pression entre CUAM et la salle de marché. »

Je retrouve aussi dans mon journal de terrain quelques interrogations sur l’utilité sociale de cette activité :

« Damien : “Si jamais, l’État supprime l’avoir fiscal. Il y a plus qu’à pointer à l’ANPE”. Lillian approuve. (...)

Ensuite, on parle de choses et d’autres. Damien est d’accord pour dire que ce marché est absurde. Le contribuable y perd, ainsi que l’État Français. “A voir le fric dépensé lors des colloques, il doit y avoir vraiment beaucoup de fric en jeu”. »



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