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16 avril 2012 | Godechot Olivier, interviewé par Valérie Nau, 2012, « 'Les banquiers représentent 40% de l'élite salariale en France' », Option Finance, n°1168, p. 10.Les dérives de certains hauts salaires, notamment dans le domaine de la finance, pourtant à l’origine des crises récentes, figurent parmi les thèmes récurrents de la campagne présidentielle. Vous avez précisément beaucoup travaillé sur les rémunérations dans la finance, comment ces dernières ont-elles évolué ?
Les salaires de la finance ont commencé à décoller au milieu des années 80 avec la déréglementation des marchés mais c’est à partir de 1995 qu’ils ont explosé. Les années 1995-2000 ont été très porteuses pour les marchés, avec la hausse des cours et des volumes, le développement des dérivés… et les salariés de la finance se sont partagés cette manne.Sur la période, la courbe des dix plus hautes rémunérations dans les grandes banques françaises monte en flèche, dans des proportions qui peuvent atteindre un multiple de 7. Après une baisse en 2001-2002, la hausse reprend entre 2003 et 2008. Au final, il existe une corrélation presque parfaite entre le montant des volumes échangés à Paris et la hausse des 100 plus gros salaires (bonus compris) dans les banques entre 1995 et 2007.
Les crises financières récentes ont-elles eu un impact sur ces rémunérations ?
Paradoxalement, malgré la violence de ces crises, on constate que les forces de rappel habituelles ne jouent pas vraiment. Après chaque crise, les salaires baissent de 20 à 30% mais dès l’année suivante, ils sont supérieurs au pic atteint avant la crise : c’est très clairement le cas aux Etats-Unis. Autre constat, à partir de 2007-2008, les rémunérations se diversifient car les financiers reçoivent davantage d’actions de leur banque. Il est donc plus difficile de savoir ce qu’ils gagnent au total.
Vos travaux soulignent que l’accroissement des inégalités en France entre 1996 et 2007 est avant tout lié à la hausse de la rémunération des cadres de la finance. Comment parvenez-vous à cette conclusion ?
L’élite salariale en France s’est transformée.Jusqu’au début des années 90, le 0,01% des salariés les mieux payés, soit 1400 personnes, étaient avant tout des PDG, des membres du comité exécutif des entreprises, c’est à dire une élite assez traditionnelle. Aujourd’hui les banquiers représentent 40% de cette population.La structure des élites a changé et avec elle leur notion de responsabilité.Autrefois les PDG se sentaient tenus à une certaine retenue salariale. A partir du moment où ils ont été concurrencés par de nouveaux venus, issus pour la plupart de la finance, cette norme collective de retenue s’est étiolée, d’autant que les banquiers ne se sentent redevables d’aucun devoir vis-à-vis de la société.
Comment expliquer cette accumulation de richesse, y compris en période de crise ?
La très grande volatilité des produits et métiers de la finance favorise un phénomène de spéculation sur les personnes. D’abord, les financiers dans les salles de marchés possèdent un savoir qu’ils peuvent facilement transporter. Il existe le même phénomène dans d’autres industries mais de façon plus limitée :la finance est immatérielle, elle n’est pas protégée par le droit de propriété intellectuelle, alors qu’un docteur en biologie ne peut pas transporter sa molécule dans un autre laboratoire. En outre, certains métiers font l’objet d’un développement rapide et fugace. Les banques préfèrent recruter très cher des professionnels qui sont déjà actifs sur le créneau plutôt que de perdre un temps précieux à reconstruire l’activité ex-nihilo. De fait, l’univers de la finance est très cloisonné et peu fluide. En temps de crise, les salariés qui sont sur des activités devenues non porteuses sortent du marché. Mais leur départ ne tire pas à la baisse les salaires de ceux qui restent car ils sont sur des activités plus résistantes.De ce fait, les forces habituelles de rééquilibrage de l’offre et de la demande ne fonctionnent pas.
La proposition de François Hollande d’imposer à 75% la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu au delà d’un million d’euros vous semble-t-elle dans ce cadre justifiée?
Pour qu’une telle mesure fonctionne, il faut d’abord qu’il n’y ait pas de possibilité de substitution d’une forme de rémunération à une autre. On voit ainsi que les tentatives de régulation des bonus ont abouti à une hausse des salaires fixes. Il faudrait en outre être strict sur les mécanismes de défiscalisation, car ceux-ci permettent aux hauts revenus d’afficher un taux d’imposition parfois plus faible que celui de revenus inférieurs. Mais il faut être conscient que dans la finance, une telle mesure n’aurait qu’une portée limitée car même dans les salles de marché la plupart des salariés sont en dessous du seuil de un million d’euros. Au final, entre 600 et 1000 financiers devraient être concernés.
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