olivier godechot

Mercredi 19 Novembre 2008 | eFinancialCareers.fr

Godechot Olivier, 2008, « Les nomades de la finance sont encore en mouvement », 19 novembre 2008.


Par un hasard du calendrier, le questionnaire eFinancialCareers sur les mobilités dans la finance a été mis en ligne sur le site le 16 septembre 2008, le lendemain de la faillite de Lehman Brothers. L'enquête s'est clôturée le 7 octobre, en pleine tempête boursière...

Effet retard ?

Aussi nous avons été surpris de constater que la crise financière n'avait eu jusque-là que peu d'impact sur la mobilité. Les derniers changements d'entreprise concernent presque autant les neuf premiers mois de 2008 (21 %) que l'année 2007 (28 % des mobilités). Plus encore, les derniers wagons de la mobilité n'ont pas plus connu les licenciements que la moyenne. Ces résultats montrent que les professionnels français semblent préservés des vagues de licenciements qui frappent de plein fouet Wall Street, Londres et d'autres places financières.
Cependant, il faut être prudent. L'enquête rappelle aussi les retards d'ajustement du marché du travail aux soubresauts financiers. La crise de 2001-2002 dresse ainsi un miroir inquiétant des mois prochains : 50 % des salariés ayant changé d'emploi entre janvier 2002 et juin 2003 ont connu un licenciement (contre 18 % dans l'ensemble).

Des champions de la mobilité...

Crise ou pas, notre échantillon de 995 réponses, représentatif de la finance française dans sa diversité - allant du trading au contrôle de gestion, de l'asset management à la banque privée -, montre l'importance de la mobilité dans le secteur : chaque année, un quart des répondants changent d'emploi, proportion bien supérieure à celle que l'on trouve en France (7 % en 2001)1 et plus encore chez les cadres. Au bout de cinq ans, 65 % des personnes recrutées en finance ont changé d'entreprise. Les professionnels les plus mobiles travaillent en front-office dans les activités de marché (31 % d'entre eux ont déjà changé au moins une fois de poste).

... Freinés par leurs employeurs et un marché cloisonné

Les entreprises commencent à mettre en place des mesures pour retenir leurs employés. Un peu plus d'un quart des professionnels se disent confrontés à des contraintes telles que les clauses de non-concurrence (13 %), des bonus différés (8 %), de longs préavis supérieurs à 3 mois (10 %). Ces freins ont indéniablement des effets : les salariés qui y sont soumis sont moins mobiles que les autres. Mais ils ne sont pas pour autant des armes absolues : dans 62 % des cas, les salariés en partance tentent d'obtenir leur levée - levée qu'ils obtiennent alors deux fois sur trois. Un autre obstacle se dresse sur la route des financiers : le choix des possibles semble limité. Ils évoluent sur un marché du travail cloisonné : lors d'un changement, 15 % exercent la même fonction dans la même activité, 33 % une fonction différente dans la même activité, 16 % la même fonction dans une activité différente. C'est dans les métiers « front » de marché que la reproduction à l'identique (même fonction dans la même activité) est la plus élevée : elle atteint alors 27 %.

La rémunération motive la mobilité, mais ne la conditionne pas

La rémunération est certes un critère important qui pèse dans la balance, mais peut-être moins qu'on ne le dit parfois. Certes, 72 % de ceux qui n'ont jamais bougé le placent au premier plan, devant tous les autres critères de choix quand ils envisagent de changer d'emploi. Ils espèrent une augmentation minimale moyenne de 29 %. En revanche, ceux qui ont bougé, parfois contre leur gré, font de la rémunération un facteur moins central de leur dernière mobilité (43 % des répondants le mentionnent), derrière l'intérêt du poste (59 %) et les perspectives de carrière (59 %). Ils ont obtenu en moyenne des augmentations de 24 %. Lorsque l'on passe des souhaits aux réalités, on remarque, parallèlement à la diminution du rôle du salaire, un accroissement du poids de la solidité de l'entreprise : ce motif est souligné par un enquêté sur cinq dans le cas des mobilités passées, contre un sur douze dans le cas des mobilités souhaitées.

Le monde est petit !

L'enquête dénombre quatre modalités pour décrocher un nouveau job, non exclusives : 27 % répondent à une annonce, autant contactent directement l'entreprise, et 39 % passent par un cabinet de recrutement ou un chasseur. Les réseaux personnels remportent la palme des leviers les plus utilisés dans la recherche d'emploi : 54 % des enquêtés qui changent d'emploi en finance connaissaient un salarié dans les services de l'entreprise où ils ont été recrutés, connaissances qui jouent alors un rôle majeur dans 41 % des cas. Les relations comptent ! Nous reviendrons sur ce point dans un prochain article.

1. Cf. Thomas Amossé, 2003, « Interne ou externe, deux visages de la mobilité professionnelle », Insee Première, n° 921.

Olivier Godechot, chercheur au CNRS, auteur de Working Rich et Les Traders, a apporté son expertise à l'élaboration et l'analyse du questionnaire d'eFinancialCareers.fr sur les mobilités des professionnels de la finance, auquel vous avez été nombreux à répondre.

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