olivier godechot

- Lundi 28 mai 2007 : «La pratique de certains traders s'apparente au hold-up», Libération.

Interview dans Libération
L'actualité du moment oriente l'interview vers la régulation de ces pratiques salariales, sujet que j'ai beaucoup moins investi que l'analyse des pratiques salariales. Le "Que faire ?" s'impose plus que le "pourquoi" dans l'actualité. C'est la loi du genre.
Peut-on réguler les salaires mirobolants dans la finance?
«La pratique de certains traders s'apparente au hold-up»
Par Nicolas CORI
QUOTIDIEN : lundi 28 mai 2007
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Nicolas Sarkozy l'a demandé à son gouvernement : les golden parachutes devraient bientôt être interdits. Mais cela suffira-t-il à moraliser le capitalisme financier, objectif affiché du président de la République ? C'est oublier que les rémunérations extravagantes ne concernent pas que les patrons sur le départ. Et qu'une réelle politique de régulation devrait aussi s'adresser aux salariés millionnaires qui vivent sur une autre planète : ceux du secteur de la finance, qui touchent, chaque début d'année, des «bonus» énormes. Explication par Olivier Godechot.
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* Olivier Godechot


Les distributions de bonus faramineux dans l'industrie financière sont-elles un phénomène récent ?
La culture du bonus s'est instaurée à la fin des années 1970, à Londres et à New York. Jusque-là, dans les principales banques d'affaires, les salariés étaient fidélisés en ayant comme horizon de carrière, à dix ou quinze ans, de devenir associés (partners) . Mais cette perspective d'association s'est dissoute, et les salariés se sont mis à vendre leurs services aux plus offrants. En France, le système s'est généralisé à partir de la fin des années 1980. Et la décennie 1990 a connu un phénomène de rattrapage.
De quels montants parle-t-on ?
Au début des années 1980, l'horizon magique pour un trader, c'était le million de dollars. A la fin des années 1990, c'était dix millions. On est toujours à ce niveau-là.
Qui est concerné ?
Principalement les traders et les vendeurs (le front-office ) mais aussi, à moindre mesure, tous les salariés de la banque d'affaires : ceux qui suivent le règlement des transactions (le back-office ), les analystes, les ingénieurs, les informaticiens... La distribution est très inégalitaire, mais même ceux qui touchent des petits bonus peuvent sembler avantagés face à leurs collègues de la banque de détail, qui n'ont pas de ce genre d'avantages.
Quelle importance ont pris les bonus dans la finance ?
Enorme. Toute l'entreprise gravite autour de cette question. La gestion des bonus est un processus qui dure toute l'année. La moindre décision comptable a un impact sur la mesure interne du profit de l'entreprise et donc sur l'enveloppe des bonus distribués !
Les traders font gagner beaucoup d'argent à leur banque. Ne méritent-ils pas d'en toucher une partie ?
Si l'on compare ces rémunérations à celles prédites par la théorie économique des incitations efficientes, on est très loin de l'optimum. «Normalement», la rémunération des traders devrait varier en fonction de la performance relative et non de la performance absolue. Or, parce qu'ils sont dans des salles de marché, qui dégagent des profits énormes, et parce que les budgets de bonus dépendent de la performance réelle, les traders réussissent à capter une partie de la création de valeur.
Alors comment font-ils ?
Le rapport de force leur est favorable. Dans les salles de marché, les chefs d'équipes se comportent comme des « entrepreneurs ». Ils réussissent à imposer leurs équipes, leurs choix, et ce sont eux qui font pression sur leur hiérarchie pour obtenir des rémunérations croissantes, d'abord pour eux, et ensuite pour leurs subordonnés. Et s'ils n'obtiennent pas gain de cause, ils peuvent menacer de partir avec leur équipe chez un concurrent. C'est ce qu'ont fait deux chefs d'équipe du Crédit lyonnais à la fin des années 1990. Résultat, la banque a accepté d'aligner leur contrat sur celui très avantageux offert par un établissement concurrent. Et un an plus tard, ils ont touché, 17 millions d'euros.
Comment analysez-vous cette pratique ?
Les salariés ont réussi à renverser le rapport de force traditionnel à leur entreprise. Normalement, on pense une firme comme appartenant à ses actionnaires. Ici, les salariés ont réussi à accumuler des actifs de leur société ­ des compétences, des parts de marché, des manières de travailler ensemble, un portefeuille de clients... ­ et à se les approprier, puisqu'on peut partir avec. Du coup, ils peuvent obtenir, non plus les revenus de leur propre productivité, mais d'un ensemble beaucoup plus vaste. Cette pratique peut-être qualifiée de hold-up.
Ce n'est pas propre à la finance...
On retrouve ces phénomènes dans les services aux entreprises (publicité, conseil, avocats). Pour les PDG, c'est différent. Il n'y a pas de vrai marché du travail actif : le patron de la Société générale ne peut pas devenir du jour au lendemain celui de BNP Paribas.
Quelle est la solution face à ces excès ?
La transparence, peut-être. Le système fonctionne aujourd'hui sur l'opacité. On conseille, et même parfois on oblige les salariés à ne pas révéler leur bonus. A compétence et niveau de responsabilité équivalent, les disparités entre personnes sont tellement importantes que règne un mécontentement latent qui ne demande qu'à s'exprimer.
Pourquoi ne pas interdire ces bonus par la loi ?
Etant donné le caractère concurrentiel du marché du travail, cela sera difficile. Les grandes banques ayant des filiales à l'étranger, elles peuvent y déplacer leur activité, ou même rémunérer leurs salariés en choisissant le pays où le droit du travail est le plus favorable. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire. On pourrait, par exemple, donner un droit de regard aux actionnaires qui voteraient sur les plus hautes rémunérations de chaque entreprise. Dans le monde de la finance globalisée, cela serait déjà une forme de régulation importante.

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