olivier godechot

28/11/2005 - Le monde : « Les "working rich" creusent les inégalités salariales »

« Les inégalités salariales dans le secteur bancaire se creuseraient-elles au fil des années ? L'étude menée par Olivier Godechot, chercheur au Centre d'études de l'emploi (CEE), le montre en tout cas pour les trois établissements dont il a analysé les bilans sociaux. »
Les "working rich" creusent les inégalités salariales
LE MONDE ECONOMIE | 28.11.05 | 16h42 o Mis à jour le 28.11.05 | 17h56

Les inégalités salariales dans le secteur bancaire se creuseraient-elles au fil des années ? L'étude menée par Olivier Godechot, chercheur au Centre d'études de l'emploi (CEE), le montre en tout cas pour les trois établissements dont il a analysé les bilans sociaux. Entre 1978 et 2004, le montant des dix plus grosses rémunérations est passé en moyenne de 230 000 euros à 4 millions d'euros pour la Société générale et BNP Paribas et 1 million pour le Crédit lyonnais, aujourd'hui rebaptisé LCL. Et les nouveaux "working rich" de la banque ne sont pas forcément ceux qu'on imagine : "Parmi eux, on trouve des spécialistes de marché, chefs de salle ou chefs d'équipe, explique M. Godechot. A la faveur de la libéralisation financière des années 1980, les banques ont investi sur les activités de marché, où elles ont rencontré des pratiques salariales très différentes de celles de la banque traditionnelle, assez proches de la fonction publique."

Ce sont donc les bonus qui ont fait flamber les rémunérations de quelques stars du "trading", ce qui, par effet d'entraînement, a joué sur les salaires de l'élite de l'encadrement. En 1978, les 10 % de personnes les mieux payées gagnaient entre 18 % et 20 % de la masse salariale dans les trois banques ; en 2004, cette part grimpe à 30 % à la Société générale et à 27 % chez BNP Paribas. Par contre, au Crédit lyonnais, racheté par le Crédit agricole, la proportion descend à 17 % : "Nous sommes désormais une filiale non cotée, et notre activité est circonscrite à la banque de réseau puisque les activités de marché et de banque d'investissement ont été transférées, rappelle Jérôme Nanty, directeur des ressources humaines (DRH) de LCL. Les rémunérations sont plus homogènes."

Pour Alain Chevalier, professeur de finance à l'ESCP-EAP, le différentiel croissant entre les salaires n'est guère étonnant car, en vingt ans, les banques ont diversifié leurs activités et profondément renouvelé leur personnel, avec l'arrivée d'experts sur des métiers en fort développement tels le trading de produits financiers, les fusions-acquisitions, les dérivés de crédit : "La rentabilité de ces activités, ramenée au nombre de personnes les exerçant, est proportionnellement beaucoup plus importante. Les banques paient mieux les salariés travaillant sur les segments les plus profitables." Bernard de Talancé, DRH de la Société générale, justifie ces écarts par des différences entre les métiers qui ne sont pas portés par les mêmes dynamiques de marché : "Pour les neuf premiers mois de 2005, le chiffre d'affaires de la banque de détail, un marché mature, a progressé de 4 % et celui de la banque de financement de 22 %. De plus, pour fidéliser ces compétences très pointues et garder nos positions, nous devons pratiquer peu ou prou les rémunérations des places financières de Londres ou New York."

Olivier Godechot s'interroge toutefois : "Un tel modèle de répartition est-il durable ? Les banques doivent gérer des inégalités salariales qui touchent un même groupe social, celui des cadres. Pour l'instant, elles ont réussi à contenir les protestations en expliquant que ces rémunérations étaient liées au caractère particulier des activités et... en limitant la communication sur le sujet." Véronique Descacq, responsable à la CFDT-Banques, convient que les représentants du personnel ont bien du mal à y voir clair, car ces activités sont souvent filialisées et donc le montant des rémunérations bien caché : "Nous pouvons comprendre que, sur certaines fonctions, des salariés bénéficient d'un salaire élevé, qui est la contrepartie des risques qu'ils prennent sur les marchés. Mais nous n'avons pas une idée précise des commissions qu'ils touchent ni de leurs critères d'attribution. Nous réclamons davantage de transparence sur les parts variables de rémunération."

M. de Talancé reconnaît qu'à la Société générale les différences de rémunération créent quelques tensions sociales, mais limitées : "A fin septembre, notre entreprise a réalisé 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 4,5 milliards dans la banque de détail. Les salariés du réseau sont associés à la réussite du groupe via le versement de primes d'intéressement et de participation calculées sur l'ensemble des résultats. Et, à travers les fonds d'actionnariat salarié, ils détiennent près de 8 % du capital ; cela représente en moyenne pour nos collaborateurs deux années de salaire en titres d'entreprise." De quoi apaiser les éventuelles récriminations ? Pour Philippe Perriot, consultant du cabinet de conseil Towers Perrin, ce ne sont pas tant les tensions sociales qui poseraient problème que la frustration de certains salariés : "Beaucoup de bac + 5 ont été engagés dans la banque de détail, notamment avec des promesses de plan de carrière dans les autres secteurs, or les mobilités entre les métiers sont rares, ce qui, ajouté aux écarts de rémunération, va plutôt produire de la démotivation." Mais le milieu bancaire ne semble pas pour le moment disposé à corriger le tir.
Nathalie Quéruel
Article paru dans l'édition du 29.11.05

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