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25 juin 2007 : « L'écart de salaire devrait perdurer », L'humanitésocial - économie
« L'écart de salaire devrait perdurer » Entretien avec Olivier Godechot, sociologue, qui évoque l'inégalité salariale croissante dans les métiers de la banque, de l'assurance et de la finance. En termes d'inégalités salariales dans les banques, la situation de la France se rapproche de celle de l'Amérique du Nord. Cette évolution se poursuivra-t-elle ? Olivier Godechot. À partir des bilans sociaux, le constat est clair. À la Société générale et à la BNP Paribas, les 10 % de salariés les mieux payés représentaient entre 18 % et 22 % de la masse salariale au début des années 1980. Un taux alors inférieur à celui du secteur privé (26 %). En 2005, alors que le secteur privé n'a pas évolué, dans les grandes banques, les 10 % de salariés les mieux payés ont atteint 30 % de la masse salariale, rattrapant le niveau global d'inégalité salariale aux États-Unis (36 %). La tendance devrait se poursuivre, voire s'accélérer. En 2006, les bonus ont été très importants du fait des résultats dégagés. Comme ils sont distribués de manière très inégalitaire au sein des établissements, et que la banque de réseau en est quasiment exclue, les inégalités salariales avec la banque de marché devraient s'accroître. Quels ont été les leviers de ce creusement des inégalités ? Olivier Godechot. La banque est passée, au cours des années 1980 et 1990, d'un traitement salarial semblable à celui de la fonction publique, à un régime très différent, très inégalitaire. Le levier principal est le développement des activités liées aux marchés financiers. Il s'agit notamment des métiers de traders et de vendeurs sur les titres dérivés actions. Non seulement les primes y sont extrêmement élevées (selon les résultats) mais les salaires fixes sont plus importants. Certaines rémunérations donnent le vertige... Olivier Godechot. La courbe des dix plus grosses rémunérations à la Société générale montre que certains ont pu monter jusqu'à 6 millions d'euros au titre de l'année 2000. En 2006, les montants devraient être du même ordre, voire plus élevés. Dans la banque de marché, les rémunérations sont à qualification égale plus importantes que dans la banque de réseau. Comment coexistent des populations salariales aussi différentes ? Olivier Godechot. D'une part, les banques essaient de limiter la communication sur les rémunérations. D'autre part, les directions justifient les écarts en soulignant les aspects très particuliers des métiers de la finance. La rémunération au mérite est ici invoquée et permet de mettre en relation les gains très importants des activités financières et les salaires de ceux qui ont la chance de s'en occuper. Il y a enfin une séparation « institutionnelle » de plus en plus marquée entre la banque de marché, très rentable mais volatile, et la banque de réseau, moins rentable mais aux résultats plus stables. La filialisation partielle ou totale des activités de marché entérine l'absence de communauté de destin et de solidarité entre les salariés des deux banques. Ceci ne supprime pas les tensions, particulièrement fortes en haut de la hiérarchie, entre directeurs du réseau et directeurs travaillant sur le marché, car ils ne sont pas rémunérés de la même façon à compétences et responsabilités égales. Des mouvements sociaux inédits sur les salaires se multiplient dans la banque de réseau ou l'assurance. Comment les voyez-vous ? Olivier Godechot. Entre 2000 et 2002, les gens du réseau parlaient de la « gratte » (abréviation de gratification). Il fallait « gratter » pour obtenir quelque chose. Je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup de modifications, sauf pour les échelons supérieurs de la hiérarchie. La frontière entre banque de réseau et banque de marché devrait perdurer. (1) Olivier Godechot, chercheur au CNRS, a publié Working rich : salaires, bonus et appropriation du profit dans l'industrie financière, aux Éditions La Découverte, Paris, 2007. Entretien réalisé par S. G. |
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