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MARICHALAR Pascal, 2007, « Compte-rendu de l'ouvrage de Philippe Askenazy, Les désordres du travail. Enquête sur le nouveau productivisme, Seuil, 2004 »Philippe Askenazy, Les désordres du travail. Enquête sur le
nouveau productivisme, Seuil, 2004. Compte-rendu écrit
par Pascal Marichalar Master 2
« Enquêtes, terrains, théories » ENS-EHESS mars 2007 Avec ce petit livre, l'économiste Philippe Askenazy entend convaincre les « décideurs »
économiques et politiques français de déplacer leur regard, généralement obnubilé
par l'emploi, vers le travail. Dans une société où l'important n'est pas
d'« améliorer les conditions [de travail], mais d'abord d'en avoir »,
le livre a la vertu de mettre en lumière de façon efficace la dégradation des
conditions de travail qui a lieu depuis quelques années en France, et d'y
proposer aussi bien des explications que des solutions. Le noeud de l'intrigue
repose sur une comparaison entre Le premier chapitre pose les termes du débat, en reliant
deux réalités dont la coexistence est problématique. D'une part, il y a ce qu'Askenazy appelle le « productivisme réactif »,
nouveau mode d'organisation du travail caractérisé par l'injonction à la
polyvalence, à la polycompétence, le travail en
équipes, le juste-à-temps et l'exigence de satisfaction totale du client. Ce
nouveau productivisme, élaboré aux États-Unis dans les années 1990 (en
reprenant certains traits au modèle nippon), s'est selon l'auteur largement
étendu à Le deuxième chapitre passe en revue les interprétations « dominantes », selon Askenazy, de cette dégradation, et les renvoie dos à dos. Il y a d'un côté ceux qui disent que « c'est la qualité du thermomètre qui ferait monter la fièvre » : ainsi l'augmentation du nombre de maladies professionnelles ne serait due qu'aux progrès du droit et des outils d'objectivation, une interprétation que l'auteur récuse. Un second courant admet qu'il y a eu une dégradation des conditions de travail, mais qui serait d'abord due à l'augmentation des risques psychologiques. Selon Askenazy, le succès des travaux de Christophe Dejours ou de Marie-France Hirigoyen atteste de l'importance prise aujourd'hui par ce genre d'interprétations. Or, outre que le « tout psychologique » oublie que les pénibilités physiques sont encore bel et bien présentes, il incite à traduire des problèmes collectifs en problèmes individuels aux solutions individuelles : plutôt que de réformer une organisation du travail anxiogène, on apprend au salarié à gérer son stress. Les troisième et quatrième chapitres se
consacrent quant à eux à l'examen des véritables causes, selon Askenazy, de la dégradation des conditions de travail.
L'intensification du travail est montrée du doigt : bien que les études ne
s'accordent pas toutes sur sa responsabilité, l'auteur choisit de donner le
dernier mot aux enquêtes de l'INSEE (pour Le cinquième chapitre, intitulé « Le « miracle » américain », commence par un constat : le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles baisse de façon continue depuis 1992 environ. Après avoir disqualifié un certain nombre d'explications possibles, Askenazy identifie les raisons de cette baisse dans l'action conjuguée de la pression syndicale et des forces de marché. Par des plaintes en justice, mais aussi parfois une cogestion des groupes de travail chargés de la sécurité des travailleurs, les syndicats ont exercé une pression sur les employeurs allant dans le sens d'une meilleure protection des salariés (surtout après l'arrivée d'une nouvelle direction à la tête de l'AFL-CIO après 1996). Mais les principaux déterminants de ces améliorations se situeraient d'abord dans le système d'assurances privées que chaque employeur est tenu de contracter pour le bénéfice de ses salariés. Grâce à une obligation récente de rendre publics les chiffres de risques professionnels par entreprise collectés par l'OSHA, les assureurs parviennent à mettre en place une tarification véritablement incitative qui pousse les employeurs à améliorer la sécurité et la santé dans leur établissement. En contrepoint, le sixième chapitre dresse
un portrait particulièrement catastrophique de « l'impasse
française » sur ces questions. Les inspecteurs et médecins du travail, peu
nombreux, ont peu de pouvoir pour faire appliquer les dispositions en santé et
sécurité au travail. Du point de vue des employeurs, il y a peu d'incitations à
améliorer la situation dans leur établissement, en raison de la complexité de
la tarification des contributions à la branche accidents du travail - maladies
professionnelles de Si la clarté de ce livre en constitue l'une des grandes forces, on peut toutefois reprocher à l'auteur de durcir parfois son propos pour l'efficacité de la démonstration. L'évolution des risques professionnels en France serait ainsi un décalque parfait de celle vue aux États-Unis six ans auparavant - sauf pour la baisse finale, mais qu'à cela ne tienne : ce parallélisme parfait devrait inciter les dirigeants français à s'inspirer en tout point des recettes du « miracle américain » (à même problème, même solution). De plus, on peut reprocher à l'analyse du « nouveau productivisme » de se centrer sur les très grandes entreprises, alors que la majorité des entreprises en France sont des PME dont l'organisation peut n'avoir que très peu à voir avec les modes managériales venues du Japon ou des États-Unis. Aussi, la confiance dans l'efficacité du marché, si elle semble pertinente pour les très grands groupes disposant de marges de manoeuvres, peut n'être qu'illusoire pour des petites structures qui ont parfois du mal à garder la tête hors de l'eau. Le livre de Philippe Askenazy n'en reste pas moins un outil majeur pour prendre conscience d'un pan de la réalité sociale généralement méconnu. |
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