olivier godechot

Vendredi 25 janvier 2008 | L'humanité

« Le contrôle des risques est juge et partie », L'humanité, 25 janvier 2008.
Un article que je n'ai pas pu relire en raison des conditions d'urgence. Un titre un peu radicalisé. Une interview fidèle... il y aurait eu peut-être à toiletter une ou deux expressions financières.
L'humanité | Le 25 janvier 2008 | « Le contrôle des risques est juge et partie »

Chercheur au CNRS, spécialiste de l'industrie financière (1), Olivier Godechot pointe les failles structurelles du système mis en place par les grandes banques.

« Tout le monde est très surpris parce que les opérations qui défraient aujourd'hui la chronique se sont produites dans le coeur de métier de la Société générale. Or, c'est une banque qui a une culture de contrôle des risques assez poussée. À la limite, cela aurait été plus compréhensible si ça s'était passé dans les filiales aux États-Unis : les banques françaises ont été tellement désireuses de s'implanter aux États-Unis qu'elles ne se sont pas toujours montrées très regardantes sur les personnes qu'elles recrutaient et les rémunérations qu'elles distribuaient. »

« D'un point de vue plus structurel, on doit bien constater que ces affaires se répètent régulièrement : tous les deux ou trois ans, il y a des pertes monumentales à la suite de transactions ou de malversations - la frontière est souvent très floue dans le secteur. À chaque fois, les banques affirment qu'elles vont prendre les mesures pour faire en sorte que ces affaires ne se reproduisent plus. Et c'est vrai qu'elles le font, mais il y a une course-poursuite entre l'inventivité des opérateurs financiers pour contourner les mécanismes et le renforcement des contrôles de risques. »

« Dans les grandes banques, le dispositif de contrôle des risques est légèrement biaisé en faveur du "front office" (métiers en relation directe avec les marchés - NDLR), des opérateurs financiers et des traders. Et ceci, pour trois raisons. Première d'entre elles : plus les risques sont élevés, plus on estime les coûts importants, plus on en déduit des revenus. Pour pérenniser ses activités à moyen terme ou à long terme, le front office a, bien sûr, intérêt à ce qu'il y ait un contrôle des risques pour éviter les erreurs, mais il n'a pas intérêt à ce que le contrôle des risques soit trop tatillon parce que, sinon, cela peut conduire à baisser ses profits et ses bonus. Dans les salles de marché, il y a des discussions en permanence pour déterminer si le contrôle des risques ne préconise pas des solutions trop conservatrices, le front office plaidant toujours pour des solutions plus court terme. Deuxième point : la hiérarchie des revenus qui est très forte dans le secteur bancaire. Les gens qui sont au contrôle des risques ont des bonus assez faibles, des revenus assez faibles ; or, ce sont souvent des jeunes très diplômés, ils ont fait des études de mathématiques financières pour pouvoir apprécier les risques de tous les produits avec les procédures adéquates. Le problème, c'est que ceux qui sont au contrôle des risques se destinent souvent aux métiers du trading : ils doivent donc évaluer des gens dont ils aimeraient bien qu'ils deviennent leurs futurs employeurs. Ce qui incite à ne pas se montrer trop insistants pour ne pas leur déplaire. Troisième remarque : les bonus des contrôles des risques ne sont peut-être pas directement issus des bonus des traders, mais il y a souvent un lien. Dans les systèmes que je connaissais dans les grandes banques au tournant des années 2000, l'enveloppe des bonus dévolue au contrôle des risques était un pourcentage de l'enveloppe des bonus dévolue aux traders. À très court terme, ces agents n'ont pas forcément intérêt, eux aussi, à être très tatillons sur le contrôle des risques. Tout cela n'explique pas la situation particulière à la Société générale, mais peut-être cela permet-il de comprendre mieux le cadre global. Cela vaut sans doute pour les subprimes : il y a un produit nouveau, le front office fait pression pour qu'on ne surestime pas les risques et le contrôle se retrouve de fil en aiguille dans une position de juge et partie. »

(1) Auteur de Traders - Essai de sociologie des marchés financiers (La Découverte, 2001) et de Working Rich -Salaires, bonus et appropriation du profit

dans l'industrie financière

(La Découverte, 2007).

Propos recueillis par Thomas Lemahieu

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